Le mot du metteur en scène...

Funérailles d'Hiver


Ce qui m'a frappée dans cette comédie grinçante, cette pièce rocambolesque, c'est sa férocité, son rythme, sa rêverie, sa folie autour de thèmes universels : l'individualisme et l'égoïsme, la mort et la famille.

 

Et quelle famille !  Les personnages de Hanokh Levin sont affreux, bêtes, poissards, bruts, nuisibles. Une équipée fantastique de petites gens qui nous renvoie à une société étriquée, égoïste, conformiste et cruelle ; une humanité cupide, entêtée dans sa quête du bonheur.

 

"Funérailles d'Hiver" s'articule autour d'une seule question : faut-il annuler le mariage de son enfant, fête somptueuse, coûteuse, objectif de toute une vie, ou assister à l'enterrement d'une vieille tante castratrice et haineuse ?  "La robe blanche ou le caisson noir ?". L'égoïsme féroce ou la convenance sociale ?

 

La solution : fuir la réalité, éviter de rencontrer le cousin Latshek qui les pourchasse et fermer les yeux, cela équivaut à ne pas être au courant de la mort, ce qui mène parents, beaux-parents et enfants dans un voyage féérique, mené par les femmes, du bord de mer jusqu'au sommet de l'Himalaya et des toits d'un immeuble. Au travers de cette galerie de personnages, l'auteur nous décrit une humanité mesquine, prête aux pires extrémités pour préserver ses intérêts, quitte à écraser l'autre. "L'autre, cet ennemi qui cherche à m'envahir". Même les personnages secondaires, censés représenter "les intellectuels", fondant leur réflexion sur le doute, aboutissent à des conclusions absurdes. Ou encore la fatuité des deux joggeurs de croire que le culte du corps pourra retarder le vieillissement et la mort. Seul Latshek, obligé de courir après une famille qui le fuit, est humain dans cette histoire.

 

L'intervention du chœur, qui fait le lien entre chaque tableau, est un témoin de l'histoire. Sa force, en mouvement et en chœur vocal, tient en sa présence, tel un reproche des conventions sociales, du "qu'en-dira-t-on". Tara D'ARQUIAN, chorégraphe, a travaillé sur le flocking, algorithme d'exploration du mouvement dynamique. Daria PICHELER, professeur de chant, a travaillé les voix en chorus et polyphonie autour de Shori Choir, musique du spectacle.

 

La pièce de Hanokh Levin vacille entre farce et comédie, réalisme et caricature. Décollage artificiel qui sert de ressort burlesque. Subtil mélange d'humour et de noirceur.

 

C'est une fable qui nous met en garde sur notre individualisme, notre égocentrisme tranquille et notre cruauté latente au quotidien. Ne sommes-nous pas, au fond, comme ces personnages, avec notre course du temps qui passe, notre peur de la mort et notre quête infinie du bonheur ?

 

 

                                                                                                                        Janick DANIELS